
5 Juin, 2025
L’exposition à des températures élevées durant la grossesse ou après la naissance pourrait entraîner des troubles linguistiques chez les enfants, affectant leur santé infantile en perturbant le développement des neurones.
Exposition aux températures élevées : des conséquences sur le développement des jeunes enfants
Dans un contexte de réchauffement climatique croissant, l’exposition aux températures élevées dès les premières étapes de la vie soulève des inquiétudes majeures sur la santé des générations futures. Une étude récente menée par l’Inserm, le CNRS et l’Université Grenoble Alpes, publiée dans Environmental Health, établit pour la première fois un lien entre les vagues de chaleur survenant pendant la grossesse ou les tout premiers mois de vie et des troubles du développement linguistique chez les jeunes enfants.
Une menace invisible dès la naissance
Dès la naissance, certains enfants sont exposés à des conditions environnementales extrêmes qui peuvent avoir un impact profond sur leur développement. Les premiers mois de vie sont particulièrement sensibles car les systèmes de régulation corporelle, notamment la thermorégulation, ne sont pas encore matures. Les nouveau-nés ne peuvent pas ajuster efficacement leur température corporelle, les rendant particulièrement vulnérables au stress thermique. Cette vulnérabilité à l’exposition aux températures élevées est encore accrue lorsqu’une exposition à la chaleur intervient in utero, pendant des périodes clés du développement fœtal.
Les effets des vagues de chaleur pendant la grossesse
Durant la grossesse, surtout au cours du deuxième trimestre, l’exposition aux températures élevées peut affecter le développement neurologique de l’enfant à naître. L’étude Elfe, basée sur plus de 12 000 couples mère-enfant, révèle que des expositions à des températures anormalement élevées entre la 14e et la 19e semaine de grossesse sont associées à une baisse des capacités linguistiques des enfants évalués à l’âge de deux ans. Ces altérations pourraient être liées à un risque accru de naissance prématurée, de faible poids de naissance, voire de mortinatalité — des événements périnataux déjà associés dans la littérature scientifique à des troubles cognitifs à long terme.
Des troubles linguistiques précoces, un marqueur clé du neurodéveloppement
Les troubles linguistiques détectés à l’âge de deux ans représentent un signal d’alerte préoccupant. À cet âge, le langage est un indicateur majeur des capacités cognitives globales. Une diminution de 10 à 15 % des compétences langagières, comme observée dans les groupes exposés à la chaleur extrême, peut refléter un développement neurocognitif altéré. Ce constat est d’autant plus préoccupant qu’il pourrait signaler des difficultés persistantes tout au long de la vie scolaire et sociale des enfants.
Des impacts durables sur les jeunes
Les effets de l’exposition aux températures extrêmes ne se limitent pas à des symptômes transitoires. L’étude suggère que les enfants exposés aux fortes chaleurs dans les sept premiers mois de leur vie présentent un risque accru de retard de langage. Ces résultats rejoignent des observations réalisées chez l’animal, où la chaleur affecte des mécanismes essentiels au développement cérébral comme la prolifération, la différenciation et la migration des neurones. Si ces effets sont confirmés chez l’humain, cela signifierait que des dommages neuronaux précoces, invisibles au départ, peuvent affecter durablement la trajectoire de développement de l’enfant.
Des conséquences majeures pour la santé infantile
Cette étude ouvre un nouveau champ d’exploration pour la santé infantile. Jusqu’à présent, les recherches sur les conséquences des changements climatiques se concentraient essentiellement sur les adultes ou les effets physiques directs (déshydratation, coups de chaleur, maladies respiratoires). Ici, le focus est mis sur la dimension cognitive et développementale, souvent négligée. La chaleur pourrait devenir un nouveau facteur environnemental de risque pour le développement cérébral, au même titre que la pollution de l’air ou l’exposition aux perturbateurs endocriniens.
Un effet direct sur les neurones
L’exposition aux températures élevées pourrait perturber le développement des neurones durant les périodes critiques de la formation du cerveau. Chez les animaux de laboratoire, des hausses de température ont été associées à des perturbations dans la croissance et la maturation des cellules cérébrales. Transposée à l’humain, cette hypothèse suggère que la chaleur pourrait interférer avec les circuits neuronaux en formation, modifiant la structure et la fonction cérébrales, notamment dans les zones impliquées dans le langage.
Vers une nouvelle stratégie de prévention
Ces résultats marquent une étape importante dans la compréhension de l’influence de l’environnement sur le développement cognitif. Comme le souligne Johanna Lepeule, directrice de recherche à l’Inserm : « Nos résultats sont un signal précurseur de l’impact d’un réchauffement global sur le développement cognitif humain à long terme. » L’identification de fenêtres de vulnérabilité — pendant la grossesse et les premiers mois de vie — constitue une piste concrète pour mettre en place des campagnes de sensibilisation et des stratégies de prévention ciblée.
Source : https://presse.inserm.fr/lexposition-a-des-temperatures-elevees-au-debut-de-la-vie-pourrait-etre-a-lorigine-de-troubles-linguistiques-et-neurodeveloppementaux-chez-les-jeunes-enfants/70501/ ©INSERM.