
2 Mai, 2025
L’Inserm développe un cerveau virtuel à partir de l’IRM fonctionnelle pour simuler l’impact des thérapies sur les pathologies neurologique. Ce projet, intégré à Nautilus, permet d’identifier des biomarqueurs prédictifs utiles à une médecine plus personnalisée.

Cerveau virtuel : un modèle inédit pour comprendre la dynamique cérébrale
Grâce aux recherches menées par l’Inserm, en partenariat avec le CNRS et Aix-Marseille Université, un cerveau virtuel ultra-précis a vu le jour. Construit à partir de données d’IRM fonctionnelle recueillies chez la souris, ce modèle informatique offre une reproduction fidèle de l’activité cérébrale, jusqu’aux spécificités individuelles. Cette avancée technologique inédite permet d’évaluer avec une finesse remarquable les conséquences d’une perturbation localisée sur le fonctionnement global de l’organe. L’objectif : mieux comprendre les pathologies neurologiques et anticiper les effets secondaires parfois inattendus des traitements ciblés, en particulier dans des cas complexes comme l’épilepsie ou les lésions post-AVC. Ce cerveau virtuel devient ainsi un outil central pour les neurosciences cliniques, à la croisée de la recherche fondamentale et des applications médicales concrètes.
IRM fonctionnelle : une clé pour cartographier les connexions neuronales
Pour développer ce modèle prédictif, les scientifiques ont eu recours à l’IRM fonctionnelle, une technologie de pointe qui enregistre l’activité cérébrale en temps réel. Les souris de l’étude ont été réparties en groupes et soumises à des interventions cérébrales ciblées (lésions chirurgicales ou inactivations chimiques). Ces manipulations visaient à inhiber des zones spécifiques afin de mieux visualiser les réactions en chaîne déclenchées dans l’ensemble du crâne. L’analyse des données IRMf a permis de générer un cerveau virtuel capable de simuler l’activité cérébrale globale en réponse à ces stimulations localisées. Loin d’être une simple modélisation, cette simulation reflète précisément la réalité biologique observée in vivo, validant ainsi la robustesse du cerveau virtuel. Cette approche marque un tournant dans la capacité à étudier cet organe sans intervention invasive directe.
Des biomarqueurs prédictifs pour guider les interventions thérapeutiques
Au cœur de cette innovation se trouve l’identification de biomarqueurs prédictifs : des motifs spécifiques d’activité neuronale capables d’indiquer la manière dont un organe donné réagira à une intervention. Ces signatures cérébrales varient selon les zones affectées et permettent de prédire avec précision les effets à la fois locaux et globaux. Christophe Bernard (Inserm) et Viktor Jirsa (CNRS), à l’origine du projet de cerveau virtuel, soulignent que ce modèle virtuel prend en compte les variations individuelles, une première en la matière. En intégrant cette donnée personnalisée, les chercheurs ouvrent la voie à une médecine plus précise et plus efficace, notamment dans la planification de chirurgies cérébrale ou d’interventions par stimulation électrique. Ces biomarqueurs pourraient demain orienter le choix d’un protocole thérapeutique, voire servir de base à des diagnostics précoces dans des troubles comme Alzheimer, Parkinson ou certaines formes de dépression résistante.
Nautilus : un jumeau numérique cérébral au service de la médecine personnalisée
Cette recherche s’inscrit dans le cadre ambitieux de Nautilus, une plateforme technologique soutenue par le programme France 2030 et portée par l’Inserm. Le but ? Créer un jumeau virtuel du cerveau de chaque patient atteint de pathologies neurologiques. Grâce à cette technologie, les praticiens pourront simuler différentes options thérapeutiques – comme l’électrostimulation ciblée – et choisir la plus efficace en fonction du profil neurologique du patient. Nautilus promet ainsi de transformer les traitements en personnalisant chaque acte médical, tout en réduisant le recours à la chirurgie invasive. Cette approche de médecine de précision par le biais du cerveau virtuel pourrait révolutionner la prise en charge de maladies telles que la dépression résistante, l’épilepsie ou la maladie de Parkinson, en affinant les cibles d’intervention et en minimisant les effets secondaires. À l’avenir, un simple scan IRM pourrait suffire à produire un modèle prédictif personnalisé pour chaque individu.
Comprendre les mécanismes des pathologies neurologiques complexes
Le cerveau virtuel apporte également un éclairage crucial sur la complexité des réseaux neuronaux. Contrairement à l’idée d’un effet localisé unique, les perturbations – qu’elles soient naturelles ou induites – génèrent des réponses globales, parfois contre-intuitives. Comme l’image utilisée par Christophe Bernard, ces effets ressemblent à une toile d’araignée : une vibration localisée provoque une ondulation dans tout le réseau. Ces réponses diffèrent selon la zone stimulée, la nature de l’intervention et le cerveau du patient. En analysant ces motifs dynamiques, les chercheurs parviennent à concilier des observations auparavant contradictoires dans des pathologies comme les AVC ou l’épilepsie. Ce niveau d’analyse pourrait permettre de revoir entièrement notre compréhension des maladies neurologiques, en tenant compte non seulement des lésions visibles, mais aussi des reconfigurations invisibles du réseau cérébral. Une avancée prometteuse pour mieux diagnostiquer, traiter et prévenir ces affections.
Vers une modélisation cérébrale accessible et non invasive
Avant que Nautilus ne soit pleinement opérationnel en clinique, l’équipe Inserm travaille à renforcer la robustesse et la précision du modèle. Pour cela, il est indispensable d’élargir la cartographie cérébrale en analysant les effets d’interventions sur chaque région cérébrale. L’enjeu est de transformer ce prototype de cerveau virtuel en un outil utilisable à large échelle, à la fois dans la recherche et en milieu hospitalier. L’ambition : pouvoir proposer une évaluation non invasive, rapide et fiable, de la réponse cérébrale d’un patient face à un traitement donné. Ce type de technologie pourrait alléger considérablement le parcours thérapeutique des patients, réduire les risques opératoires et optimiser les ressources médicales. En rendant le cerveau plus lisible et prévisible, le virtuel se met ici au service d’une médecine plus humaine, plus précise, et plus respectueuse des singularités neurologiques de chacun.
Source : Inserm – https://presse.inserm.fr/decrypter-le-langage-des-neurones-pour-mieux-soigner-grace-au-cerveau-virtuel/70350/- Publié le 23/04/2025