toute l'actu de la 3DS

Antibiorésistance : une avancée majeure pour désarmer les bactéries résistantes

Antibiorésistance : une avancée majeure pour désarmer les bactéries résistantes

5 Mai, 2025

Face à l’antibiorésistance, des chercheurs de l’INRAE ont identifié une molécule capable de neutraliser la résistance bactérienne, sans nuire au microbiote ni au système immunitaire, une piste prometteuse pour de futurs médicaments ciblés.

Antibiorésistance : vers une nouvelle génération de médicaments ciblés

L’antibiorésistance est aujourd’hui considérée comme l’un des plus grands défis de santé publique du XXIe siècle. Elle est à l’origine de 5 millions de décès chaque année dans le monde selon l’OMS, un chiffre alarmant qui témoigne de l’ampleur du phénomène. Ce danger croissant résulte de l’usage excessif ou inapproprié des antibiotiques, qui favorise l’émergence de bactéries capables de résister aux traitements conventionnels. Les conséquences de l’antibiorésistance sont lourdes : infections plus longues, complications graves, allongement des séjours hospitaliers et explosion des coûts de santé. Face à cette crise silencieuse, la communauté scientifique mondiale redouble d’efforts pour identifier de nouvelles solutions thérapeutiques. En France, un consortium rassemblant l’INRAE, le CNRS, l’Université Paris-Saclay et l’Inserm a mis au point une stratégie novatrice qui repose sur la neutralisation des mécanismes bactériens sans perturber l’organisme.

Neutraliser les bactéries sans détruire le microbiote : un tournant décisif

Ce qui distingue la molécule NM102 des antibiotiques traditionnels, c’est son mode d’action inédit. Plutôt que de tuer les bactéries, elle les désarme. Cette approche ciblée permet de préserver le microbiote, cet écosystème de micro-organismes essentiels à notre santé. Le microbiote intestinal, en particulier, joue un rôle central dans la digestion, la régulation du système immunitaire et la protection contre les pathogènes. Une destruction massive de ces bonnes bactéries, comme celle causée par les antibiotiques classiques, peut provoquer de graves déséquilibres et favoriser les infections opportunistes. NM102 agit différemment : elle identifie les agents pathogènes en situation d’attaque immunitaire, bloque leurs armes moléculaires, et les rend inoffensifs, tout en épargnant les microorganismes bénéfiques. Cette action sélective est un véritable changement de paradigme dans le traitement des infections bactériennes.

Mfd : la protéine cible qui favorise la résistance bactérienne

Au cœur de cette stratégie de lutte contre l’antibiorésistance, une protéine baptisée Mfd. Présente dans toutes les bactéries pathogènes, elle joue un double rôle clé. D’une part, elle protège les agents infectieux des défenses immunitaires de l’hôte, leur permettant de survivre dans un environnement hostile. D’autre part, elle favorise la survenue de mutations génétiques aléatoires, favorisant l’antibiorésistance. En bloquant l’activation de cette protéine, NM102 désarme littéralement ces microorganismes. Elle les prive de leur capacité à se défendre et à évoluer face aux menaces. Cette découverte est le fruit de plusieurs années de recherche en biologie moléculaire et en microbiologie structurale. Elle illustre à quel point la connaissance fine des mécanismes bactériens peut ouvrir des perspectives thérapeutiques novatrices pour lutter contre l’antibiorésistance. Grâce à l’action inhibitrice ciblée de NM102 sur Mfd, les chercheurs ouvrent la voie à une nouvelle génération de médicaments anti-infectieux plus intelligents contre l’antibiorésistance et plus respectueux de l’équilibre biologique.

Une molécule prometteuse testée avec succès sur plusieurs modèles biologiques

Pour valider l’efficacité de NM102 contre l’antibiorésistance, les scientifiques ont mené une batterie de tests rigoureux, d’abord in vitro, puis sur des modèles vivants comme les insectes et les souris. Les résultats sont particulièrement encourageants. Premièrement, la molécule n’agit que lorsque les bactéries sont exposées à des signaux toxiques liés au système immunitaire. Cela signifie qu’elle ne perturbe pas les bactéries inoffensives présentes dans l’organisme. Deuxièmement, elle réduit drastiquement la concentration de bactéries pathogènes dans les organes infectés, ce qui améliore significativement les chances de guérison. Enfin, et surtout, elle bloque les fonctions mutagènes de la protéine Mfd, réduisant ainsi le risque d’apparition de nouvelles souches résistantes. En combinant précision d’action et innocuité pour le microbiote, NM102 coche toutes les cases d’un médicament de nouvelle génération. Ce profil biologique idéal en fait une piste thérapeutique à fort potentiel, notamment dans le traitement des infections hospitalières.

Résistances aux traitements par antibiotique : efficacité prouvée contre les souches multirésistantes

L’un des atouts majeurs de NM102 est son efficacité prouvée contre des souches bactériennes multirésistantes, c’est-à-dire celles qui ne répondent plus à aucun antibiotique disponible. Ces souches, souvent contractées dans les hôpitaux, sont à l’origine d’infections nosocomiales redoutables, parfois mortelles. Les tests menés par les équipes de l’INRAE ont montré que cette molécule reste active contre ces bactéries ultrarésistantes, même lorsque les traitements classiques échouent. Cette efficacité est due à son mécanisme unique : elle n’attaque pas les bactéries en tant que telles, mais les prive de leurs armes et de leur faculté d’adaptation. De plus, la molécule agit en synergie avec le système immunitaire de l’hôte, renforçant ses défenses naturelles plutôt que de s’y substituer. Cette complémentarité est essentielle pour limiter les effets secondaires et éviter les effets indésirables souvent liés aux antibiothérapies lourdes.

INRAE : vers de nouvelles pistes de traitement pour demain

Fort de cette découverte, le consortium piloté par l’INRAE a déjà déposé deux brevets, l’un sur la molécule NM102, l’autre sur la cible bactérienne qu’elle inhibe. Mais les avancées ne s’arrêtent pas là. Les chercheurs sont également parvenus à encapsuler NM102 dans des nanoparticules biodégradables. Ce procédé technologique garantit une libération ciblée de la molécule au bon endroit et au bon moment, tout en facilitant son administration par voie orale ou injectable. En parallèle, un partenariat avec le CEA vise à optimiser chimiquement cette molécule et à développer des analogues encore plus performants. L’objectif affiché est clair : créer une nouvelle génération de médicaments capables de lutter efficacement contre l’antibiorésistance, sans effets secondaires délétères pour le microbiote ou le système immunitaire. Cette stratégie s’inscrit dans une vision globale de la médecine du futur : plus précise, plus respectueuse de l’organisme, et plus durable face à l’évolution rapide des agents pathogènes.

Source : INRAE – https://www.inrae.fr/actualites/antibioresistance-medicaments-desarmer-bacteries – Publié le 28/04/2025